lundi 18 août 2014

"Urgence du temps présent" de Monique DURAND WOOD

Pour sortir des fumées d'encens et aller sur le parvis , cet article trouvé dans mes archives.
Il est d'une femme, je ne l'ai pas choisi pour cette raison mais pour sa grande humanité..
Ce n'est pas un hasard, les femmes ont une plus grande facilité à sortir du dogmatisme pour se pencher sur les plaies des hommes de  notre temps.





Urgences du temps présent


Une Église bienveillante envers toute l'humanité

     Cette attention bienveillante aux efforts humains, accomplis dans la diversité des cheminements individuels, n'appelle pas seulement les autorités mais tout l'ensemble des baptisés : à l'intérieur même des communautés, quitter les replis identitaires permettra d'ouvrir à une pleine communion fraternelle (comme cela se pratique déjà en des lieux de pauvreté comme les hôpitaux psychiatriques et les prisons) ; communion signifiée par le partage du Pain entre tous, justes et pécheurs, ou qui se croient tels, engagés ou hésitants, convaincus ou travaillés par le doute, monde qui espère ou qui seulement aspire... Car « Dieu a fait des chemins pour tous, écrivait la poétesse Marie Noël, pour les âmes de haut vol... et pour les chères petites âmes ».
     Rien de tel que le récit de « la multiplication des pains » (Mc 6,34-44) pour illustrer cette pratique de l'accueil envers tous. Ici, l''affluence pour écouter la parole de Jésus est considérable. « De toutes les villes on accourut là-bas à pied... » Pourquoi sont-ils si nombreux à faire la route ? Quelle parole libératrice les soulève, qu'ils n'entendaient pas au Temple ou à la synagogue ?  Peut-être étaient-ils tenus à l'écart, trop différents des bien-portants, des gens « normaux » (fidèles aux normes), et se sentent-ils maintenant accueillis tels qu'ils sont, avec leurs fardeaux, leurs douleurs, et leur soif non étanchée. Les deux interventions de Jésus pointent en ce sens.
La première montre une attention et une compassion sans bornes :
« Il  vit une foule nombreuse et il en eut pitié, parce qu'ils étaient comme des brebis qui n'ont pas de berger, et il se mit à les enseigner. »
La deuxième développe le partage des provisions sans exclusive : avec cinq pains et deux poissons, il nourrit la foule au point que  « Tous mangèrent et furent rassasiés » (6,42).
L'épisode, rapporté dans les quatre évangiles, met en évidence ce qui nourrit l'esprit humain : un enseignement qui parle au coeur et un partage communautaire sans jugement préalable sur les comportements : sans doute, dans cette foule, y a-t-il des  personnes aux actions honnêtes, et d'autres aux actions peu recommandables. « Cet homme-là mange avec les prostituées et avec les pécheurs », sera-t-il reproché ailleurs à Jésus. Oui, cet homme-là, habité par l'Esprit divin qui souffle où il veut et parle en toutes langues, honore la pluralité des attentes humaines.

Un réveil audacieux de l'ensemble des baptisés 

 La deuxième urgence découle de la première, mais aussi de la situation générale de l'Église aujourd'hui, notamment en Europe. Si le peuple chrétien, en « tous ses états », se sent accueilli dans toutes ses pauvretés, dans ses attentes et dans son espérance, même si celle-ci demeure floue, s'il revient dès lors pas à pas vers cette Eglise à tous ouverte, des laïcs pourront prendre en charge les communautés nouvellement créées. Une urgence, qui pourrait relever de leur responsabilité, serait de maintenir ouverts les nombreux lieux de culte désertés, dans les banlieues et les provinces. Des rencontres se tiendraient là régulièrement : groupes de réflexion, de paroles et de prière si possible oecuméniques, partages festifs, célébrations en absence de prêtres, et, pour des laïcs formés à cette tâche : accompagnement de personnes en difficulté. Les « correspondants » de ces églises locales, élus pour une certaine durée, pourraient être appelés diacres ou diaconesses. 
En ce domaine du diaconat, qui reprendrait tout son sens de service rendu dans la communauté, il serait de la plus élémentaire justice de reconnaître aux femmes engagées leurs divers charismes ; et d'attribuer, aux responsables de ces lieux communautaires notamment, le titre de diaconesse ou de diacre femme.  « En ces jour-là, rappelait  l'apôtre Pierre citant le prophète Joël,  je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos filles prophétiseront, sur mes serviteurs et sur mes servantes je répandrai de mon Esprit...  » (Ac 2,17-18, citant Joël 3,1-5).


Une parole d'Église rendue légitime en matière d'éthique

     Une troisième urgence aujourd'hui, axée sur l'écoute des problèmes du monde les plus aigus, concerne ce qui a trait à l'éthique, à l'évolution des moeurs et des pratiques, et plus généralement aux mouvements de la société.
     Il paraît indispensable en ces domaines, pour faire entendre au monde sécularisé la parole d'une Église vivante, plurielle et bienveillante, d' insister sur deux démarches :
- Introduire dans l'Eglise la parité homme-femme dans toutes les réflexions et propositions.
-  Faire en sorte que puissent s'exprimer et se faire entendre, au même titre que d'autres « experts », les hommes ou femmes laïcs touchés de près dans leur existence par les questions de société et de moeurs  : ayant traversé l'expérience d'une situation humaine difficile, pourvues d'une connaissance intime des épreuves familiales, et témoignant d'une ouverture de coeur et d'esprit suffisantes pour les aborder dans le respect de toutes les trajectoires humaines, avec la miséricorde du Christ.
     Ainsi l'Eglise du Christ, de celui que nous reconnaissons comme le Verbe incarné, restera ce lieu désiré dès l'origine comme révélateur, d'une part, de la pleine humanité de Dieu, d'autre part, de l'appel lancé vers tout être humain à devenir enfant de Dieu.


Monique Durand Wood,


Monique Durand Wood, est formatrice, théologienne, ancien aumônier  de Centre Hospitalier Spécialisé, membre du comité de rédaction de la revue Souffles, organe de l'association « Traverses  » (anciennement « Chrétiens en Santé Mentale »), auteur de l'ouvrage : Ajouter foi à la folie, petite théologie pratique de la maladie mentale en pastorale hospitalière,  Cerf (2009, réimprimé en 2011),
Lire aussi : « Le délire religieux : un défi pour la pastorale ou un éclairage pour la foi ? », La Vie Spirituelle, juillet 2010. Animatrice de sessions de méditation biblique à la Maison de Tobie, fondée par Frère  Benoît Billot,

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