dimanche 10 août 2014

un petit tour sur le site du Comité de la Jupe

Je pose cet article de Maud AMANDIER  et Agnès CHABLIS trouvé sur le site du COMITE DE LA JUPE dont je ne saurais trop recommander la saine lecture.


Comment un évêque entretient les stéréotypes de genre

Mercredi 19 mars 2014
Par Alice CHABLIS, Maud AMANDIER
hildegard-von-bingen
Hisdegard von Bingen. Miniatur aus dem Rupertsberger Codex des Liber Scivias.
Wikimedia.
Á la suite de la chronique de Monseigneur Renaud de Dinechin “Pourquoi les femmes ne peuvent être prêtres ?”, parue récemment dans le journal Paris Notre Dame, Alice Chablis et Maud Amandier, auteures du Déni, une enquête sur l’Eglise et l’égalité des sexes, (éditions Bayard), réagissent. Voici successivement la chronique, puis leur réponse.
Pourquoi les femmes ne peuvent être prêtres ?
Une question que me posent souvent des jeunes. Avec le sentiment d’une injustice. Une collégienne m’a d’ailleurs exprimé la colère qui la traverse parfois [ : « Je suis parfois en colère contre le Seigneur et je n’ai pas envie de prier. Par exemple je ne comprends pas pourquoi les femmes ont une place si minoritaire dans l’Église. Elles ne peuvent pas être prêtre au même titre que les hommes et dans ma paroisse une fille ne peut pas être enfant de chœur »].
De fait les femmes ne peuvent être prêtre. Est-ce le signe d’une inégalité ? Non. Pour autant, ce n’est pas confortable à vivre, pour la femme comme pour l’homme. De part et d’autre, le soupçon, ou l’instinct de domination sont rapides pour faire de ce mystère un conflit de pouvoir.
Jésus accepte qu’on lui donne le titre d’Époux. Car il aime l’humanité, son épouse. A l’autel, le prêtre tient la place du Christ Époux. La femme est visage de l’Église Épouse. On est dans le registre symbolique. Au cœur de la Bible, le Cantique des cantiques initie le croyant au registre symbolique : la présence du bien-aimé et la présence de la bien-aimée.
Certaines paroisses ont la bonne intuition, en proposant à des jeunes filles un véritable service liturgique ; tout comme les garçons servent à l’autel. Une lycéenne témoignait de ce qu’elle recevait dans ce service liturgique : « Dans le groupe des servantes de l’assemblée j’ai pu trouver toutes les réponses à mes questions. Non seulement j’ai mieux compris ce qu’être femme signifie mais aussi comment Dieu veut que je le serve. Lorsque j’étais plus jeune je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas être enfant de chœur comme mes frères. Peu à peu j’ai compris que nous n’étions pas là pour servir de la même manière, sans pour autant être inférieures ! – elle ajoutait – C’est dans la prière silencieuse, dans le plus profond de mon cœur que je serai pleinement satisfaite ».
L’Église est-elle misogyne ? Ses membres le sont parfois. Mais l’Église, quand elle réserve le sacerdoce aux hommes, se situe sur un autre registre. Dans ce registre symbolique, une différence est manifestée, mais l’égalité entre la femme et l’homme n’est pas ambigüe. « Il est grand le mystère de la foi ! » s’écrie St Paul qui ajoute : « je le dis en pensant au mystère du Christ et de l’Église ! »
L’évêque rapporte deux paroles de collégiennes avec les mots typiques d’un homme qui voit les femmes et les filles en fonction de stéréotypes de genre bien marqués et bien « catholiques” : la première a le « sentiment » d’une injustice et se met en « colère ». Et pour couronner le tout, elle n’a « pas envie de prier ». Mauvaise pente, c’est une petite Eve en germe qui revendique, s’énerve et s’écarte de Dieu.
 Il fait ensuite parler une autre collégienne. Le vocabulaire qu’elle utilise est un concentré des qualités magistérielles attribuées à Marie : elle est dans le groupe des « servantes », elle a compris ce qu’ »être femme signifie », et ce que « Dieu veut » pour elle. Elle est différente de ses frères, elle va servir autrement, elle n’est pas « inférieure », et comme Marie, sa prière est « silencieuse, dans le plus profond de [son] cœur ». Ainsi sera-t-elle “pleinement satisfaite”. Ce ne sont pas des paroles d’enfants, mais c’est le portrait de Marie tel que les clercs l’ont pensé : silencieuse, servante et obéissante. C’est l’attitude attendue des femmes dans l’Église, mais aussi, selon l’évêque, des petites filles qui doivent l’intérioriser rapidement. D’Eve à Marie, voilà comment l’évêque fabrique et entretient des stéréotypes de genre et formate les filles avant qu’elles ne deviennent des femmes libres (ou pour quelles ne le deviennent pas ?).
Il va plus loin : “De fait les femmes ne peuvent être prêtre. Est-ce le signe d’une inégalité ? Non”. Dire non, c’est, avant même de réfléchir à la question, poser un interdit, un principe, une loi. En effet, c’est une loi de l’Église qui s’énonce dans le Droit canon : “Seul un homme baptisé reçoit validement l’ordination sacrée” (Canon 1024). Cette loi discrimine clairement les femmes : même baptisées, elles sont exclues de “ l’ordination sacrée”. Elle institue une inégalité de fait dans la possibilité d’accéder aux différentes fonctions dans l’Église en raison du sexe. Il s’agit bien d’inégalité et d’injustice.
Renaud de Dinechin reprend l’argumentaire des papes pour mieux dévaloriser cette question de l’accès des femmes au sacerdoce : « De part et d’autre, le soupçon, ou l’instinct de domination sont rapides pour faire de ce mystère un conflit de pouvoir ». Cette question qu’il qualifie de « mystère » révélerait “le soupçon et l’instinct de domination” chez qui ? Chez les femmes ? La collégienne qui pose la question serait donc à l’origine de ces mauvais sentiments qui peuvent entraîner l’homme dans “un conflit”. Pourtant il y a bien des pouvoirs concrets liés au sacerdoce que sont la célébration des sacrements, l’interprétation de la parole et la gouvernance. Mais l’évêque les passe sous silence.
Les femmes qui constatent cette inégalité montreraient donc leur volonté de pouvoir, un piège qui fait taire nombre de femmes de bonne volonté. Ceux qui exercent le vrai pouvoir réagissent en accusant les autres de le vouloir. Belle manipulation. Ainsi Benoît XVI, à la suite de Jean-Paul II, reprend cette interprétation : “Ces dernières années, on a vu s’affirmer des tendances nouvelles pour affronter la question de la femme. Une première tendance souligne fortement la condition de subordination de la femme, dans le but de susciter une attitude de contestation. La femme, pour être elle-même, s’érige en rivale de l’homme. Aux abus de pouvoir, elle répond par une stratégie de recherche du pouvoir” (Lettre aux évêques sur la collaboration de la femme et de l’homme dans le monde, 2004). Les papes prêtent aux femmes de mauvaises intentions, en les accusant de se positionner dans la rivalité pour défendre leur pouvoir. Ils refusent de voir que la demande des femmes est une simple question d’équité.
L’évêque poursuit : “Jésus accepte qu’on lui donne le titre d’Époux. Car il aime l’humanité, son épouse. Á l’autel, le prêtre tient la place du Christ Époux. La femme est visage de l’Église Épouse. On est dans le registre symbolique.” L’utilisation de la métaphore du mariage amène de la confusion. Jésus lui-même ne s’est jamais donné le titre d’époux et n’a jamais parlé de l’Église épouse. Le Cantique des cantiques auquel se réfère l’évêque est un poème sur le désir. En réalité la comparaison du Christ époux et de l’Église (femme) épouse vient de l’épitre aux Éphésiens qui se réfère à la conception patriarcale du mariage au temps de saint Paul où la femme est soumise à son mari. “Époux, épouse”, l’évêque dit utiliser “le registre symbolique”. Le Christ est donc l’époux de l’humanité, de l’Église et l’Église a le visage de “la” femme. La femme serait le symbole de l’Église. Quel est le sens de ces images ? Jésus n’a pas laissé ce signe de l’Époux, mais celui du pain partagé et du don de sa parole et il ne rencontre pas les personnes en fonction de leur sexe.  
Que seuls les hommes puissent être ordonnés n’est pas un mystère mais une loi androcentrée qui crée de l’injustice et un appauvrissement de l’Église. Dire que c’est un mystère est un abus de langage qui masque le pouvoir que se sont octroyés les hommes d’Église. Le seul mystère, c’est celui de la foi en Jésus ressuscité, dont il a confié l’annonce aux femmes, au matin de Pâques.
Alice Chablis et Maud Amandier

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