jeudi 27 octobre 2016

Le cardinal Policarpo et l’ordination des femmes de Jean RIGAL Théologien.


                    

Le patriarche de Lisbonne ne parle pas à la légère. Dans le cadre d’une interview au bulletin des avocats portugais, il déclare que « d’un point de vue théologique, il n’y a aucun obstacle fondamental à l’ordination des femmes ». (1) . Le cardinal ne manque pas de rappeler « qu’il y a une égalité fondamentale de tous les membres de l’Eglise ». C’est donc, selon son opinion, que le refus d’ordonner des femmes à la prêtrise relève essentiellement de la « tradition », mais non de raisons proprement théologiques.

Il est frappant de constater que le refus de l’ordination des femmes  s’est appuyé sur une diversité de raisons au cours des siècles. On a longtemps avancé l’idée  - aujourd’hui insoutenable en bien des pays – que «  les femmes  ne peuvent recevoir l’ordination parce qu’elles ont un statut de subordination ». C’était l’opinion de Gratien, le prince des canonistes, ( 12ème  s.) et celle de Thomas d’Aquin (13ème s.).

Plus récemment, on a mis en avant le fait que jamais l’Eglise catholique n’a admis que les femmes puissent recevoir validement l’ordination presbytérale ou épiscopale. Le fait est irrécusable et le cardinal Policarpo  le reconnaît. Mais il faut se demander si ce qu’on appelle « la Tradition vivante de l’Eglise » est de l’ordre de la répétition ou si elle a plutôt une dimension eschatologique tournée vers l’avenir.

Depuis la Déclaration « Inter insigniores »  de la Congrégation de la doctrine de la foi (1976), le refus de l’Eglise catholique se fonde sur le choix des douze apôtres. L’argument prédominant est donc celui-ci : « L’Eglise n’a, en aucune manière, le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes, et cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles ». Cet enseignement a été plusieurs fois répété au cours des dernières décennies : dans le Code de droit canonique  (canon 1024) et dans différents documents des papes Jean-Paul II et Benoît XVI . On insiste sur le fait que cet enseignement ne repose pas d’abord sur la force des arguments ou sur une décision qui appartient à l’Eglise, mais sur la volonté du Christ.

Dès lors, il importe de s’interroger sur le fait que Jésus n’a appelé que des hommes à  faire partie du groupe des Douze. Cela pose une question majeure d’interprétation où les avis se montrent différents. Pour le cardinal Daniélou, favorable à l’ordination des femmes « la portée symbolique de ce choix eût été annulée si Jésus avait inclus parmi les Douze une femme mais aussi  bien un non-juif (un Samaritain, par exemple). « Et faudrait-il aujourd’hui, demandait-il, que tous les prêtres appartiennent au peuple juif ? ». Précisons que le cardinal Martini, archevêque émérite de Milan, était, lui aussi, favorable à un ré-examen de la question.
Tout le monde admet qu’au temps de Jésus, dans la tradition juive, « seuls les hommes pouvaient être acceptés comme témoins au tribunal, le témoignage des femmes étant considéré comme non fiable ». (Benoît XVI. Note 2). Certes, à l’époque, de nombreuses religions avaient des prêtresses, mais est-ce un argument décisif  qui peut s’appliquer à l’institution originale des Douze ?  -Pour le cardinal Policarpo « tout cela est un faux problème ».

Une question importante demeure. Ce qui serait théologiquement possible est-il forcément opportun dans un contexte donné ? – Non, répond – sans doute trop brièvement - le cardinal. On aurait aimé qu’il fasse plus directement allusion aux difficultés inouïes qu’entraînerait une décision positive. Difficultés à l’intérieur de la communauté catholique, avec les risques d’une grave scission. (La communion anglicane nous le rappelle à sa manière). Difficultés œcuméniques avec les Eglises orthodoxes, très généralement hostiles à une telle ouverture.

Beaucoup de catholiques favorables, sur le fond, à l’ordination presbytérale des femmes sont capables de comprendre ces arguments d’opportunité.

Retenons, au moins, que cette question complexe remet implicitement en cause une certaine conception de la communauté ecclésiale. Une nouvelle image de l’Eglise se dessine lorsque femmes et hommes vivent mieux « cette égalité et cette parité » si profondément évangéliques. Des avancées se sont produites à cet égard mais beaucoup reste à faire.

                                                                    Jean  RIGAL

(1) Traduction de Didier de Silva.

(2)  Benoît XVI, Jésus de Nazareth, De l’entrée de Jérusalem à la Résurrection.

1 commentaire:

  1. Bien sur, Jean RIGAL est bien obligé, comme les chats qui sont montés très haut, de retomber sur ses pattes s'il ne veut pas se faire "casser" l'échine par un dogue très méchant. Mais si l'argument d'opportunité que les plus modérés avancent sans conviction peut lui permettre de toucher le sol avec ses deux jambes sans dommage, celui-ci ne ressemble à rien.

    Jamais l'opportunité ne se présentera. Il y aura toujours des avis contraires car je crains que cela ne corresponde à une conviction profonde, presque viscérale, de la suprématie du ( mâle)du ( fils aîné) ( lecture Gn 2 ( voir mon analyse blog http://jlachandreae.blogspot.fr/ canard sauvage. "y aurait il une place pour nous dans le jardin où Jésus appelle "Marie de Magdala" par son nom Jn 20,13"-

    Il y a eu des arguments contre l'abolition de l'esclavage, il y en a encore sur l'égalité des races, Hélas, l'humanité est ainsi faite.
    Mais la question est :
    La mission de l'Eglise catholique romaine est elle de faire avancer la Justice et l'Amour sur cette terre et de partager par Jésus Christ le salut en Jésus Christ ou bien est elle de jouer au morpion avec nos frères des églises séparées en essayant de perdre le moins de pions possible et même bien sûr d'en gagner.

    Et puis mes Frères ? Jésus s'est il jamais embarrassé d'argument d'opportunité ?

    Je pense que ces arguments tiennent plus de ceux du Prince de ce monde. Du diviseur. Celui qui divise l'humanité en mâle et femelle au détriment de la notion de "personne humaine"
    Alors qui aura le courage, le vrai....de Dire que nos Papes ont tordu dans tous les sens des arguments pour justifier l'injustifiable et que ce n'étaient en réalité que des arguments à caractère politique pour "limiter la casse".
    Sauf, qu'aujourd'hui la casse risque se situer dans cette bunkerisation excessive .

    RépondreSupprimer