mardi 9 février 2016

OUVREZ LA PORTE AUX FEMMES

LETTRE OUVERTE AUX EVEQUES de FRANCE et d'ailleurs.



Cette lettre a été adressée à mon Evêque pour qui j'ai un profond respect teinté d'amitié fraternelle. Son accueil bienveillant n'a jamais été démenti, mais bien sûr cette lettre n'a reçu aucune réponse. Je le savais d'avance.
Donc dans cette partie   d'un jeu à balles perdues  avec mon Eglise, jeu que je juge nécessaire au regard de ma conscience mais  difficile car il n'y a que deux alternatives "rester et parler" , (encore et encore),  ou partir, j'ouvre ce courrier en "lettre ouverte" à tous les évêques de France .

Ouvrez la porte aux femmes……

 Vous avez ouvert la porte de la miséricorde, vous avez appelé au pèlerinage, au retour sur soi même, à la conversion dans l’immersion  de la miséricorde de Dieu. Ce fut une très belle fête.
 
Alors, en cette période de Noël, de l’Incarnation, je vous demande d’ouvrir dans votre âme ou dans votre cœur  une porte aux femmes.
De réfléchir et de peindre sous le regard du Christ,  comme on peint une icône dans le prière et le jeûne,   la réalité de la violence   que représente l’interdiction pour celles qui se sentent appelées d’être ordonnées prêtres ou  même ( encore plus incompréhensible ) diacres.
De réfléchir et de noter tous les points où cette interdiction qui relève de l’archaïsme pourrait conforter une certaine violence à l’encontre des femmes dans la famille et  dans le monde . Violence que l’Eglise à juste titre condamne.



Je vous demande fraternellement  cet  effort intellectuel.
je vous demande cet acte de véritable générosité  sous le regard de Dieu.
Je vous demande cet effort courageux  qui va peut-être contre les inclinations de votre cœur….    


En effet, depuis tant d'années   que j’étudie le dossier  de l’ordination pour les femmes et en débats au Comité de la Jupe,   je sais la question   verrouillée  à « double tours » en ce qui concerne la prêtrise et connais bien le mutisme qui accompagne toute demande dans ce sens.
Je me souviens d’une rencontre avec Bernard Sesboué, à Paris, rencontre extrêmement enrichissante avec cet esprit savant et profond . Pourtant, l’assourdissant silence qui a suivi ma question ( que j’avais écrite et soumise avant la rencontre  )   m’en a plus appris qu’un long paragraphe doctrinal. C’est de l’ordre du tabou. Un blocage viscéral. On ne peut  en parler.


Lorsque  le 6 Octobre, Monseigneur André Durocher – évêque de Gatineau – a demandé durant les travaux du Synode de la Famille de considérer l’ordination des femmes au diaconat, j’ai retrouvé « couleurs ».  Ainsi un évêque, et pas n’importe lequel,  ose dans cette importante assemblée aborder la question ? Aura-t-on le courage de reconnaître que l’histoire du christianisme et la théologie (qui ne présente aucun empêchement) poussent  malgré lui le magistère à cette ouverture ?
Ouverture déjà présente  depuis Vatican 2, et aussi dans  les modifications apportées par benoît XVI, en 2009,  à l’article 2019 du Droit canonique permettant de dissocier  la définition du diaconat de celle concernant les prêtres et les évêques.

J’ai suivi attentivement le synode sur la famille partagée entre espoir et déception , hélas   j’ai vite  reconnu le « flop stérilisant » qui a suivi la demande. 

Pourtant Mrg Durocher « a fait des liens importants entre la violence faite aux femmes dans le monde et une vision religieuse qui soutient leur assujettissement. Son appel à une prise de position claire de l’Église contre la domination des femmes a tout d’un appel à un changement de culture, pour l’Église et au-delà. » ( voir la déclaration en notes )
Ce lien est très pertinent à tous points de vue, social , conjugal et familial ( la position de la fille )
Et sous nos latitudes, du fait de l’actualité, on voit bien que la femme  serait la principale victime du choc culturel qui découlerait de la crise migratoire sur notre territoire européen. L’industrie, l’économie s’en trouveraient bénéficiaires  disent les économistes,  mais il n’est pas sûr que la condition féminine au travail  n’en ressente pas les contrecoups culturels.  Tout dépendra des résultats économiques en termes d’emplois. Certains commentaires sur le net ne sont guères rassurants.
D’autre part, je pense inutile de rappeler que pour l’Islam, avec lequel il va falloir compter,   la femme n’a pas de personnalité juridique distincte de celle de la famille, elle appartient au père, à l’époux, au frère .Peu de gens, en parlent, c’est pourtant fondamental et ce n’est pas être raciste que de le dire.

Est il bon de laisser dépendre toute l'évolution de la condition féminine au seul domaine du social  du profane ?  Comment faire pour ne pas reconnaître que les femmes doivent  tout à ce dernier  et que depuis longtemps l'Eglise joue "l'interdit" envers et contre toute raison ? 
L’Eglise a un rôle à jouer dans ce domaine. J’en appelle à votre discernement pour accomplir l’Evangile dans tous les domaines de la vie et en "témoigner"  dans celui de la condition  féminine. 


Hélas, je sais par expérience  que les femmes sont les pires ennemies des femmes et que peut-être certaines  de celles que vous interrogez sur le sujet sont réticentes et nous  condamnent .  Vieux réflexe de soumission : trancher  lorsqu’on est entravée, le "mollet"   de qui veut se libérer  et courir.
"Ces femmes  ont peur de la transgression et restent dans un rôle très flatteur entretenu par la hiérarchie. Ainsi Jean-Paul 2 disait aux femmes «  Ne vous plaignez pas, vous avez la meilleure part, vous êtes dans le cœur de Dieu. Laissez-nous la petite intendance de gouverner. » Ce discours marche très bien …" (Anne Soupa") Et puis c’est si facile de ne pas provoquer le débat et de ronronner !
J’aime particulièrement le « laissez nous la petite intendance de gouverner «  car je me demande ce que ferait la hiérarchie sans les petites mains qui sont dans le cœur de Dieu.
Cela me fait penser à Françoise Héritier – anthropologue élève de Lévis Strauss – et sa théorie de la « valence différentielle des sexes ».

Rien n’est anodin. Tout a un sens, surtout  l’injustice proclamée comme raison et comme préférence divine.  Alors quel sens ?  
Serez vous en mesure d'apporter une réponse à cette demande, en toute liberté, loin des interdits qui stérilisent la pensée et les élans du coeur,  sous le seul  regard de votre conscience et des Ecritures  ? 
Nous attendons des signes, une parole....
  
 Pourtant, il y en a des signes et des paroles dans les écritures..... 

Marie et Elisabeth par le peintre ARCABAS 
L’Evangile du jour nous a présenté Marie partie en hâte pour se rendre dans le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth  Or, lorsqu’Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant bondit dans son sein et Elisabeth fut remplie du Saint Esprit.
Il y a là tant à méditer. 
 -Quelle magnifique liturgie. Marie, la « servante du Seigneur »   que l’ombre du très haut a fécondée se rend libre comme l’air, et court chez Elisabeth, vieille femme sur le retour que l’on disait stérile et qui pourtant en était déjà à son sixième mois !
 -Quelle dynamique : La « servante du Seigneur » court vers la réprouvée de la société…enfin  féconde contre tout diagnostique  humain (contre toute petite intendance)   car « rien n’est impossible à Dieu ». On est loin de « la femme doit comme Marie, se taire et garder tout en son cœur ».
 - Sommet de la liturgie , l’enfant a bondi d’allégresse dans le sein d’Elisabeth : «  bien heureuse celle qui a cru : ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira ».



Ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira !!!!!

Les femmes usées par des siècles de servitude retrouvent la capacité  de créer, d'oeuvrer, de participer , d'être enfin elles - mêmes pour le bien de tous....

Et c’est enfin le splendide Magnificat, où se retrouvent toute la tradition de l’Ancien Testament et la projection de l’avènement à venir « il a élevé les humbles, les affamés, il les a comblés de bien et les riches, il les a renvoyés les mains vides. « …
Fécondes pour le monde et l'Eglise, ces affamées sont comblées de bien et  les riches, il les a renvoyés les mains vides.




En guise de conclusion, je ne peux résister au plaisir de copier le commentaire de Prunelle et Tatoue sur le texte du blog  publié par Mgr DUROCHER

« Votre commentaire si juste ouvre l'Église au monde présent où les femmes occupent des postes clefs dans divers champs d'action! Souhaitons qu'il ait de l'écho et des suites favorables... Sans quoi, l'on passe à côté de la réalité et l'Eglise va rester un "boys club" de plus! Le Christ ne l'avait pourtant pas vue ainsi...
Un boys club de plus !!!  Dans les premiers temps de l’Eglise, il semble que ce n’était pas le cas…Mais actuellement ?
Soyez rassurés j’aime les « boys », mais pas ainsi…. Je les aime comme  je les  côtoie   dans le monde comme je les vois chez  vos prêtres  où ils se révèlent souvent beaucoup plus ouverts et coopératifs  que certaines femmes et surtout que le Magistère catholique.

Paix sur la terre aux Hommes de bonne volonté.



Jacqueline Lach-Andreae







Les statistiques les plus récentes de l'Organisation mondiale de la santé révèlent ce fait troublant: encore aujourd'hui, près d'un tiers des femmes dans le monde sont victimes de violence conjugales. Pourtant, dans Familiaris Consortio, le Saint Pape Jean-Paul II avait lancé un vigoureux appel : « Je demande à tous de s'engager dans une action pastorale spécifique plus vigoureuse et plus incisive afin que les offences à la dignité de la femme soient définitivement éliminées. » Malheureusement, plus de trente ans plus tard, les femmes continuent de subir discrimination et violence au mains des hommes, y inclus de leurs époux.
Devant cette triste et dramatique réalité, je propose que ce Synode affirme clairement qu'une interprétation correcte de l'Écriture sainte ne permet jamais de justifier la domination de l'homme sur la femme. En particulier, ce Synode devrait affirmer que les passages où Saint Paul parle de la soumission de la femme à son mari ne peuvent pas justifier la domination de l'homme sur la femme, encore moins la violence à son égard.
Mais il faut aller plus loin. Pour manifester clairement au monde l'égale dignité des femmes et des hommes dans l'Église, nous devrions reprendre la réflexion du Pape Benoît XVI dans son discours au clergé romain en mars 2006 lorsqu'il a dit : « Il est juste de se demander si, dans le service ministériel... on ne peut pas offrir plus de postes, plus de positions de responsabilité aux femmes. »
Je propose donc trois autres pistes d'action à ce Synode.
1. Que ce Synode considère la possibilité d'octroyer à des hommes et des femmes mariés, bien formés et accompagnés, la permission de prendre la parole lors des homélies à la Messe afin de témoigner du lien entre la Parole proclamée et leur vie d'époux et de parents.
2. Qu'afin de reumer des postes décisionnels dans l'Église, ce Synode recommande de nommer des femmes aux postes qu'elles pourraient occuper dans la Curie romaine et dans nos curies diocésaines.
3. Enfin, concernant le diaconat permanent, que ce Synode recommande l'établissement d'un processus qui pourrait éventuellement ouvrir aux femmes l'accès à cet ordre qui, comme le dit la tradition, est orienté non ad sacerdotium, sed ad ministerium.




2 commentaires:

  1. JE SUIS TRÈS HEUREUX DE DÉCOUVRIR CE "CANARD SAUVAGE". J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et un assentiment total. Une notation m'a particulièrement frappé : "... l’assourdissant silence qui a suivi ma question ( que j’avais écrite et soumise avant la rencontre ) m’en a plus appris qu’un long paragraphe doctrinal. C’est de l’ordre du tabou. Un blocage viscéral. On ne peut en parler". Le jour où se tabou sera levé, où ce barrage sautera (car ce jour viendra),l'Esprit bondira d’allégresse dans le sein de chacune et de chacun de nous ; c'est l'Eglise vivante qui sera bien heureuse, celle qui découvre que D.ieu est Père et Mère, et qui verra autour d'elle, dans la reconnaissance de l'égale dignité du féminin et du masculin, dans le recul du mal et de toutes les discriminations qui en découlera que "ce qui lui a été dit de la part du Seigneur" s’accomplit. Oui, une lecture qui a enrichi ma réflexion. Merci.

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  2. Merci à vous cher "penser la subversion."....aidez les femmes à s'affranchir de l'interdiction à l'ordination, c'est aider l'Eglise toute entière. C'est retrouver la Parole et le projet de Dieu dans son intégralité . Nous sommes nombreux à demander, soyons toujours plus pour faire craquer "les vieilles outres" incapables de contenir ce "vin nouveau" et qui se défendent par la violence de l'interdit encore une fois répété devant la presse par Pape François pourtant si ouvert et peut-être méchamment contraint . le 30/01/2016

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