samedi 4 mai 2013

La ligne de crêtes .....



Dans un recoin de  mémoire, jamais trahi ni rongé par le temps, se trouve le souvenir d'une merveilleuse ballade dans les Pyrénées.

Le chemin de bergers  monte à travers la forêt, l'ombre protège de la brûlure du soleil de fin Août, les parfums  de sous bois stimulent l'effort.
Soudain on débouche sur un plat inondé de lumière, quelques vaches paisibles que distrait notre arrivée.
On monte encore et encore, la fatigue se fait sentir, quand  se découpant dans l'immensité d'un bleu azur si transparent  que  le pinceau renonce à le "brosser", la crête...!!!!

 A la « queue-leu-leu » le groupe l'emprunte.

L'appréhension m'étreint...Et si j'allais faire un faux pas... Si je tombais dans un des vides qui bordent l'étroit passage ?
Au sud, la pente est plus douce, mais que de  pierres traîtres et faciles à ébouler !
Au nord c'est abrupt,  solide,  sans concession.

Une main amie m'a rassurée.

Franchie, la crête s'inscrira désormais dans un de ces moments de libération des frontières  imaginaires  de mon  éducation  marquée au fer rouge par un patriarcat aimant certes mais bien rigoriste. J'avais alors 19 ans, la décennie soixante faisait ses premiers pas, encore bien empêtrée dans l'après-guerre  mais déjà marquée  du désir  de secouer le schmilblick.
Il ne lui faudra que huit années pour exploser...



Parmi les plus dérangeantes situations que puisse connaître aujourd'hui  une "femme catholique",  devenir objet de contradiction est bien la plus inconfortable. Il vaut mieux être fille perdue, s'adonner à luxure que de demander le sacrement de l'ordination pour les femmes. 
Personne ne s'y reconnaît, ni certaines femmes,  ni le Magistère.  
Placée à la croisée de plusieurs tensions, notre malheureuse   se révèle grimper malgré elle  sur le  chemin de crêtes  de demandes  jugées auto-proclamées et  irrecevables par le Magistère. Auto-proclamées - Fichtre !
 
C'est une crête bien étroite, mais tellement fascinante par tout ce qu'elle révèle de "renouveau et de promesses de liberté".
Une crête d'envol dans le grand vent de l'Esprit !
Désormais, les regards ne rencontrent plus d'obstacles, les Ecritures balisent et dévoilent le chemin de la dignité retrouvée   et seule la Tradition élève un dérisoire panneau "Propriété Privée - Interdit à toute personne étrangère au service". Les certitudes granitiques, les interdits au sacrement roulent sous les pas, le bruit de leur chute fait écho.  On attend une main amie, et il y en a. 

Combien de siècles a-t-il fallu à cette femme pour monter la côte qui  mène à la crête  ?
Combien de siècles pour sortir de la servitude, puis de la tutelle d'un père, d'un mari, pour enfin accéder à cette requête ?
Combien de siècles de pouvoir patriarcal  qui ont rompu les os, fait  ployer le genoux,  courber l'échine ?
Combien de siècles de silence sous le voile ?

L’étape est proche. Je le sens, je le crois.  Le temps s’accélère.
Illusion ? Fantasmagorie ?

Le grand bouleversement arrive,  faire confiance et surtout  ne pas avoir peur.
Les précipices ne sont rien que la ligne de pente  des fondations respectables et respectées sur lesquelles repose le chemin de l’Eglise de Jésus Christ. Ils ne sont pas signe de chute, mais bien au contraire d’élévation.
Ils sont ascension vers plus de dignité.
Ils  sont souvenirs d’étapes  et non mur de  discrimination.

En fait ils ne sont rien qu’album de photos souvenirs de la longue vie de l’Institution avec ses ombres et ses lumières. Seule la peur de l'indignité  imprimée au fer rouge  par les Patriarcats freine le désir d’emprunter le chemin de crêtes , il suffit d'une main amie pour passer .
photo de B.Vaillant " Chaîne des Pyrénées vue du pic du Midi"


 Jésus ne nous a jamais promis un boulevard, n'ayons pas peur.




Jacqueline Lach-Andreae

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