mardi 21 août 2012

Nous n’avons pas assez fait confiance aux petits paysans.

Je copie cet article de LA CROIX paru le 20 Août 2012.



Un entretien avec OLIVIER DE SCHUTTER, Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation

A travers des rapports précis et argumentés sur l’agriculture de demain, la flambée des prix des denrées alimentaires ou encore la ruée sur les terres agricoles, Olivier de Schutter avance des solutions pragmatiques pour améliorer la sécurité alimentaire.

La Croix : Vous êtes l’enfant d’une civilisation européenne qui n’a pas connu la faim depuis la Seconde Guerre mondiale. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ce fléau ?
Olivier de Schutter : Je suis effectivement issu d’un monde très privilégié. Mon père était un diplomate. Mes premiers souvenirs d’enfant remontent à Bombay, en Inde, où il était en poste. Je me rappelle très bien les images de ces mendiants aux feux rouges avec des membres atrophiés qui venaient demander la charité. Cela m’a beaucoup bouleversé.
J’ai passé ensuite mon adolescence au Rwanda. Le contraste inouï entre le luxe dans lequel nous sommes éduqués et la pauvreté environnante ne m’a pas laissé indifférent. Jean Ziegler, mon prédécesseur au poste de rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, a eu cette même expérience tôt dans sa vie et il utilise le mot de culpabilité pour décrire son combat. Cela traduit bien mon sentiment : on a envie de se racheter. C’est sans doute de là que vient mon engagement.

Vous êtes un juriste spécialiste des droits de l’homme. Quel est le lien entre les droits de l’homme et le droit à l’alimentation ?
O.S. : Les organisations de développement utilisent de plus en plus le droit à l’alimentation dans leurs démarches. Pour lutter contre la faim, les solutions purement techniques ne marchent pas si on ne tient pas compte de la responsabilité des États à l’égard des populations. C’est d’abord une affaire de pouvoir entre les gouvernements et la capacité des petits paysans à négocier des prix rémunérateurs. Le droit à l’alimentation revient à mettre les projecteurs sur des problèmes ignorés des autorités.

Comment faire progresser ce droit à l’alimentation ?
O.S. : Je prône la démarche participative. Le droit à l’alimentation, c’est créer des mécanismes à l’écoute des plus pauvres. Nous n’avons pas assez fait confiance aux petits paysans. Ce sont des gens très inventifs qui comprennent bien les obstacles auxquels ils sont confrontés. En les écoutant davantage, on identifie plus rapidement les solutions les plus accessibles. Il y a ensuite une complémentarité à trouver entre les initiatives locales et les réformes structurelles. Les microprojets ne peuvent s’étendre sans un environnement macro-économique propice. A l’inverse les projets venus d’en haut ne débouchent sur rien s’il n’existe pas des acteurs sur le terrain pour les mettre en œuvre.

Votre mandat est d’avancer des propositions pour faire reculer de moitié la faim dans le monde entre 1990 et 2015. Cet objectif est-il encore réalisable ?
O.S. : Aujourd’hui, 16% de la population ne parvient pas à se nourrir décemment, contre 20% en 1990. Pour répondre aux Objectifs du millénaire, il faudrait descendre à 10% de personnes mal-nourries. Personne n’ose sérieusement prétendre qu’on y parviendra à temps. Et le tableau serait encore plus sombre si on laissait de côté la Chine où d’énormes progrès ont été réalisés en milieu rural ces vingt-cinq dernières années. Dans beaucoup d’autres parties du monde, le nombre de personnes en insécurité alimentaire n’a pas baissé, il a même augmenté. Je rappelle que 42% des enfants en Afrique subsaharienne sont mal nourris. Ils manquent des aliments nécessaires à leur plein épanouissement.

Après les émeutes de la faim, en 2008, la communauté internationale a fait une série d’annonces pour améliorer la sécurité alimentaire. Qu’en est-il aujourd’hui ?
O.S. : Il y a eu un vrai changement de paradigme ces dernières années. Avant 2008, on pensait résoudre la question de la faim par l’aide alimentaire et par l’exportation, vers les pays déficitaires, de produits à bas prix écoulés sur les marchés internationaux. Désormais tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut aider ces pays à se nourrir par eux-mêmes en leur donnant la capacité de reconstruire leur système agricole négligé pendant trois décennies. Voilà pour la rhétorique. Dans les faits, on assiste à une spéculation foncière et on compte sur des investisseurs privés pour relancer le secteur. Or, ces acteurs ne sont pas intéressés à soutenir les petits agriculteurs. Ils veulent renforcer l’agro-export, les cultures de rente. Ils ont d’autres intérêts que la réduction de la pauvreté rurale.

Vous défendez une agriculture vivrière et familiale. N’est-ce pas l’agriculture productiviste qui a sorti l’Europe de la faim ?
O.S. :  N’oublions pas que l’Europe a effectué une transition économique en l’espace d’un siècle, en créant des emplois dans l’industrie puis les services et en réduisant peu à peu les actifs agricoles. Il est tout à fait illusoire de penser qu’on peut effectuer le même trajet en l’espace d’une génération ou deux en Afrique. D’autant plus que ces pays ne sont pas en mesure de créer des emplois en suffisance dans l’industrie et les services. Ils ne pourront pas absorber le surplus de main d’œuvre qui résulterait d’une désertification des campagnes à travers le recours à l’agriculture agro-industrielle.

Le Brésil y est pourtant parvenu ces ceux dernières décennies …
O.S. : Le Brésil est un pays où deux agricultures coexistent. La première, totalement mécanisée, utilise les technologies de pointe et reste très compétitive sur les marchés internationaux. La seconde est l’agriculture familiale, dont la production est écoulée sur les marchés locaux. C’est elle qui nourrit 80% de la population brésilienne. Pour lutter efficacement contre la malnutrition, le pays a lancé dans les années quatre-vingt-dix des programmes rapprochant les petits producteurs des populations pauvres des villes. Les paysans ont trouvé des débouchés dans les cantines scolaires, les restaurants communautaires, les marchés subventionnés … C’est le soutien à l’agriculture familiale qui a fait reculer la faim au Brésil, pas l’agro-exportation.

Vous insistez sur l’autosuffisance  alimentaire et vous avez eu de vifs débats à ce sujet avec Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. Dans certains pays,  n’est-ce pas un mythe ?
O.S. : Pascal Lamy a voulu décrédibiliser mes propos. Je n’ai jamais utilisé le terme d’autosuffisance alimentaire. Evidemment, tous les pays ne peuvent pas subvenir à leurs besoins. Reste qu’on a trop souvent par le passé investi dans les cultures d’exportation telles que le coton, le tabac, le café, la noix de cajou. Résultat, de nombreux états n’ont pas développé les agricultures vivrières susceptibles de renforcer leur sécurité alimentaire. A l’ère du changement climatique, les pays producteurs seront de plus en plus affectés par la sécheresse ou les inondations, qui se traduiront par les flambées des prix sur les marchés internationaux. La meilleure façon d’éviter les chocs à répétition, c’est d’encourager toutes les régions du monde à produire autant qu’elles le peuvent. La dépendance est un risque et un danger. La facture alimentaire des 47 pays les moins avancés a été multipliée par 6 entre 1992 et 2008. Ils importent plus de 25% de leur nourriture Aidons-les à produire davantage pour eux-mêmes. C’est bien pour les paysans et c’est indispensable pour se prémunir contre les hausses brutales des prix.
  Propos recueillis par Olivier Tallès, La Croix du 20 août 2012


graure  J.lach-Andreae

                                                      

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Qui est Olivier de Schutter ?

Olivier de Schutter est né le 20 juillet 1968 d’une famille belge aisée. Fils de diplomate, il grandit jusqu’à l’âge de 15 ans en Inde, en Arabie saoudite et au Rwanda, pays qui le marquera profondément. Il choisit d’étudier le droit international et obtient une licence dans cette matière en 1990 à l’Université catholique de Louvain (UCL), puis un master à l’Université américaine Harvard. Docteur en droit, il se spécialise rapidement dans les questions de droits de l’homme. En 2000, il devient secrétaire général de la Ligue belge des droits de l’homme avant de prendre, quatre ans plus tard, le poste de secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l’homme. En 2008, il succède au Suisse Jean Ziegler à la fonction de Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. Professeur de droit international à l’UCL, il est l’auteur de nombreux ouvrages économiques et sociaux.


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vendredi 17 août 2012

le mariage homosexuel ...


Cher  Nathanaël, « Don de Dieu » , 
celui dont on ne sait ce qu’il a fait, mais seulement qu’il a été appelé par Jésus pour être son disciple nous dit l’évangile de  Jean  1,45-51… 
Qui est donc ce Nathanael au nom si beau  et pourtant si discret ?

Je  t ’écris, cher ami homo, à ce nom que je te donne in petto,  car pour t’avoir côtoyé durant de longues années, avoir été ton ami,  avoir travaillé avec toi,  je me réveille aujourd’hui dans la labyrinthe d’un débat bien  sérieux sur le mariage homosexuel,   ne sachant en fait rien de  Toi  et  peut-être si peu de choses des raisons profondes  de ceux qui  s’opposent à Toi et à ta liberté.

C’est cela le débat, on y rentre plein d’assurance,  on en sort le cœur humble. Les grandes évolutions de société sont le fruit  d’ opinions contradictoires,  mais qui toutes portent en soi la responsabilité de  construire la vie des hommes . Et dans l’honnêteté de son cœur, à l’heure des choix,  tout cela pèse lourd.

Alors qui es tu Nathanael ?  Qui es tu cet  « Autre » par rapport à moi-même,  toi qui préfère ton semblable à l’aventure de la découverte du sexe opposé ?

Je ne sais pas. Rien en moi, dans mes gênes, dans mes expériences sexuelles  ne peut y répondre, mais mon cœur, me crie « aime le, aime la, donne lui son bonheur, il l’a bien mérité » J’avais presque envie d’écrire :" il le vaut bien"….Et je n’ai jamais rien su refuser à mon cœur.
D’ailleurs la plus grande de mes attentes, n’est elle pas d’être aimée et acceptée comme je suis ?

Tu le sais Nathanael, je condamne l’homophobie, avec force.
Elle  n’est que le fruit de l’ignorance et de la paresse intellectuelle.
Mais   quelle longue ignorance !!!!
Des siècles de rejets, de mariages arrangés pour  « sauver la face » aux yeux du monde, des siècles où cette « différence » cassait toute possibilité d’avancement professionnel, où l’homosexualité affichée ne se pouvait être  que privilège  de riches,  de puissants ou artistes en marge .
Pourtant quelle profusion de richesse au service de l'humanité ! Rimbaud, Yourcenar, Gide, Cocteau, ETC…la liste est longue.

Certains ont dit   : l’homosexualité est une maladie.
 Par le passé, la psychiatrie s’est essayée à guérir les personnes homosexuelles par toutes sortes de méthodes souvent agressantes et aberrantes. Mais on a aussi essayé la castration, l’hystéroctomie, la lobotomie et diverses drogues.

OUF......WOUHA!!!!!

NON, l’homosexualité n’est ni un symptôme, ni une structure pathologique.
Dès lors qu’il y a possibilité d’acceptation et d’intégration par l’entourage, la vie homosexuelle peut s’avérer structurante, opérante et donner équilibre au fonctionnement  psychique  ( orientation homosexuelle et vie chrétienne. P.16 ).
Toutes les recherches récentes montrent qu’il est presque impossible de changer l’orientation sexuelle, même quand une personne le demande. écrit Castaneda Marina – Comprendre l’homosexualité- Robert Laffont, 1999 , p.28.
C'est donc bien qu'il s'agit d'un état affirmé.


Un jour, il y a bien longtemps, à la révélation de plusieurs cas d’homosexualité dans une même famille, on m’a demandé :
«  Que feriez vous si votre fils était homo ? »
Je suis restée un interloquée, je ne m’étais pas posé la question, l’enfant avait à peine douze ans.
Mais  l’évidence s’est imposée, je l’aimerais, il est mon fils, j’assumerais sa différence, et surtout je ne le ferais pas souffrir pour cette raison.

Car enfin, Nathanael,  pourquoi faire tant de bruit pour si peu de chose ?
Font il ils du mal ces amoureux que l’on croise, vieux couple attentif à ne pas se faire trop remarquer. On les imagine jeunes, à l’heure du choix  lorsque peut-être s’est  déjà installée la souffrance de n’être pas acceptés comme tels   par la société, tolérés certes  mais pas reconnus. Comme des  étrangers chez eux,  exclus des  tables familiales. On était dur autrefois dans la petite bourgeoisie.
Font elles du mal ces jeunes femmes chargées d’enfants que l’on croise sur les lignes de l’Europe du Nord ?

Alors pourquoi leur refuser la joie de pouvoir concrétiser leur union, de proclamer leurs solidarités  respectives  à la face de la société ?
Pourquoi  refuser aux humbles  d’accéder à la liberté de ceux à qui  le pouvoir et l’argent  peuvent tout donner.

Le mariage est plus qu’un contrat, Nathanael, c’est le désir de s’engager l’un envers l’autre dans les bons jours comme dans les mauvais jours, dans la joie et dans la peine.
Il me plait de te faire confiance, d’avoir foi en toi, de respecter ta liberté et de te donner les moyens de  montrer ton sens des responsabilités.
D’ailleurs au nom de quoi, pourrais-je te le refuser ?

Peut-être ce désir de mariage des  homo rappellera-t-il à l’ensemble de la société le désir de l’engagement profond, affiché,   qui s’établit devant Monsieur ou Madame Le Maire.
Peut-être alors de nombreux couples ne jetteront ils plus  leur parole aux orties au moindre manquement  avec la désinvolture qu’on sait être celle d’ aujourd’hui.

 Alors pourquoi ne pas reconnaître par le mariage, ce qui est un état  affirmé et responsable  ?


Comment Toi,  Jacqueline la catholique, diront certains,  tu balaies le caractère essentiel du mariage qui est fondé sur la différence sexuelle et la capacité d’engendrer  ?
Non, je ne balaie rien.
Nous sommes de l’ordre du vivant, et dans le genre humain, le mâle a besoin de la femelle et la femelle a besoin du mâle  pour procréer.
Pas d’enfants autrement, tout le reste n’est que de l’ordre de la manipulation génétique ou  du commerce des ventres et du don des gamettes.

Mais l’être n’est pas seulement un organisme sexué, il est beaucoup plus.
Par delà le sexe  il est un être doté de conscience, doté du « rouha » de Dieu, un être de relation.  Un être d’une grande dignité.
"L'être humain, dès sa conception, n'existe que dans les relations avec les autres, et (...) le christianisme assume pleinement cette réalité, avec ses dimensions corporelles et affectives" (Monique Hebrard - prêtres enquête sur le clergé d'aujourd'hui).

Comment penser qu'une relation  vécue intensément  pourrait être  dénaturée dans une sexualité homo ?
 Si vous saviez le don de Dieu. ! Vous n’auriez pas autant de réticences.
Qui peut dire, je suis le seul à savoir aimer ?

Alors marions les,  marions les, je crois qu’ils seront heureux ensemble …… dit la chanson.

A bientôt, cher Nathanel, je te souhaite beaucoup de bonheur.
  




vendredi 3 août 2012

ILS ONT FAIT LES CONS

Hier au soir, sur Arte la série des Kennedy.
Je l'ai suivie avec passion, tout un pan de ma vie.

Choc des images de foules haineuses résolument décidées à empêcher James Meredith-(1) , étudiant noir à intégrer l'université du Mississippi.

Je ne peux m'empêcher à faire un parallèle avec une conversation, fort amicale au demeurant, il y a plusieurs années auparavant avec un jeune prêtre. Nous étions alors  en pélé avec des jeunes des aumôneries sur la route de Venise.


J'abordais, à mon habitude l'oecuménisme, aspiration profonde et vécue, de ma spiritiualité.


"Pourquoi avoir freiné le rapprochement avec les réformés et spécialement les luthériens, alors que si peu de choses en fait nous séparent ? ". La réponse est tombée raide, sans concession :
" Ils ont fait les cons avec les femmes".
Ceci pour exprimer que ces Eglises ont confié des Ministères, jusque là réservés à des  hommes, à des femmes.
Je ne m'étendrai pas aujourd'hui sur la différence entre un Ministère luthérien , un mandat réformé et l'ordination dans les Eglises catholique et Orthodoxe.
Tout cela dépend de l'ecclésiologie de chacune de ces Eglises.

Mon propos, qui se veut court, s'attardera seulement sur le refus de la différence.

Ce refus si prégnant. Racine du mal de l'homme.

La différence, de race, de sexe d'opinion est toujours vécue me semble-t-il comme un élément de hiérarchie dans l'usage du pouvoir.
Faire entrer quelqu'un de différent,  jusque là "pensé comme différent" devient une atteinte intolérable à l'idée qu'on se fait de soi-même et  de son importance , une blessure   capable de faire régresser les intelligences les plus éclairées.

Ce fut  le cas de ce jeune prêtre, il était intelligent !
Mais comment intégrer, l'idée qu'une femme puisse recevoir ce sacrement de l'ordination et remettre en cause le choix exclusif des mâles pour conduire les affaire de l'Eglise, administrer les sacrements...
Comment accepter que les femmes qui prennent partout place, puissent aussi demander leur part dans le travail à accomplir ?

Un jour, un autre de ces jeunes m'a dit :
" J'ai peur pour les garçons, ils sont mal, les filles s'imposent partout".
Etrange vision des choses dans la pensée occidentale où le mérite et la compétence  priment  la différence.
Ce fossé qui ne cesse de s'agrandir entre une pensée profane et la pensée catholique ne serait  il pas plus dangereux que l'accès des femmes à tous les rouages des sociétés ?

On se surprend à s'étonner de voir ces images d'une foule déchaînée à l'idée qu'un noir puisse intégrer une universitée jusque là réservée aux blancs.
Pourtant c'était le temps de ma jeunesse, cela faisait la une de nos journaux de l'époque.

Lorsque le premier pas est fait, la première opposition balayée, on voit les bienfaits du courage.
Obama est il un mauvais président ?

Des anges passent sur la pointe des pieds.......


(1)Premier étudiant noir à intégrer l’université du Mississippi, James Meredith se fera l’un des combattants pour l’égalité civique dans son pays.