vendredi 17 juin 2016

je copie ce discours. Il a été prononcé par François Mitterrand à la fin de sa vie.

Je vais chercher quelques beaux discours qui ont enrichi la force de conviction de ceux qui ont rêvé, pensé, construit, protégé l'idée européenne.
La génération de nos pères a construit ce projet et c'est l'un des plus beaux que l'humanité ait enfanté.
Notre génération l'a tricoté, puis détricoté et les amoureux de la Paix et de la Fraternité ont assisté impuissants aux palinodies de nos dirigeants.
Il y a eu résistance, de celles que pratiquent les peuples , alliances familiales, échanges commerciaux, échanges culturels et universitaires. Oui, il y a eu tout cela, mais le désir de garder son pré carré de répondre aux sirènes nationalistes est fort, et quelques fois on oublie tout ce que ce projet, certes à toujours améliorer,  à rendre plus démocratique, plus social, plus fraternel et plus compétitif apporte de bienfaits.
Devant ce déni, j'apporte donc ma pierre : et vous propose aujourd'hui  ce discours humaniste.
Nous avons à transmettre. C'est plus qu'un devoir, c'est une véritable mission....

FRANÇOIS MITTERRAND ET L'EUROPE

Déjà présent à La Haye en 1948 à la naissance du Conseil de l'Europe, François Mitterrand consacre son dernier grand discours prononcé le 17 janvier 1995 à Strasbourg pour la présentation de la présidence française au Parlement Européen à la construction européenne et aux dangers du nationalisme.

"Il se trouve que les hasards de la vie, ont voulu que je naisse pendant la première guerre mondiale et que je fasse la seconde. J'ai donc vécu mon enfance dans l'ambiance de familles déchirées qui toutes pleuraient des morts et qui entretenaient une rancune et parfois une haine contre l'ennemi de la veille. L'ennemi traditionnel ! 

Mais, Mesdames et Messieurs, nous en avons changé de siècle en siècle ! Les traditions ont toujours changé. J'ai déjà eu l'occasion de vous dire que la France avait combattu tous les pays d'Europe, à l'exception du Danemark, on se demande pourquoi ! Mais, ma génération achève son cours, ce sont ses derniers actes, c'est l'un de mes derniers actes publics. 

Il faut donc absolument transmettre. Vous êtes vous-mêmes nombreux à garder l'enseignement de vos pères, à avoir éprouvé les blessures de vos pays, à avoir connu le chagrin, la douleur des séparations, la présence de la mort, tout simplement par l'inimitié des hommes d'Europe entre eux. Il faut transmettre, non pas cette haine, mais au contraire la chance des réconciliations que nous devons, il faut le dire, à ceux qui dès 1944-1945, eux-mêmes ensanglantés, déchirés dans leur vie personnelle le plus souvent, ont eu l'audace de concevoir ce que pourrait être un avenir plus radieux qui serait fondé sur la réconciliation et sur la paix. C'est ce que nous avons fait.

Je n'ai pas acquis ma propre conviction comme cela, par hasard. Je ne l'ai pas acquise dans les camps allemands où j'étais prisonnier, ou dans un pays qui était lui-même occupé comme beaucoup. Mais je me souviens que dans une famille où l'on pratiquait des vertus d'humanité et de bienveillance, tout de même, lorsque l'on pratiquait des Allemands, on en parlait avec animosité.

Je m'en suis rendu compte, lorsque j'étais prisonnier, en cours d'évasion. J'ai rencontré des Allemands et puis j'ai vécu quelques temps en Bade-Wurtemberg dans une prison, et les gens qui étaient là, les Allemands avec lesquels je parlais, je me suis aperçu qu'ils aimaient mieux la France que nous n'aimions l'Allemagne. Je dis cela sans vouloir accabler mon pays, qui n'est pas le plus nationaliste loin de là, mais pour faire comprendre que chacun a vu le monde de l'endroit où il se trouvait, et ce point de vue était généralement déformant. Il faut vaincre ses préjugés.

Ce que je vous demande là est presque impossible, car il faut vaincre notre histoire et pourtant si on ne la vainc pas, il faut savoir qu'une règle s'imposera,

 Mesdames et Messieurs : le nationalisme, c'est la guerre ! La guerre ce n'est pas seulement le passé, cela peut être notre avenir, et c'est vous, Mesdames et Messieurs les députés, qui êtes désormais les gardiens de notre paix, de notre sécurité et de cet avenir !"

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