La sexualité humaine : une voie à deux
Le synode sur la famille évoque la sexualité au travers du prisme d’hommes ayant choisi la chasteté, le célibat à vie et l’absence de vie familiale. C’est donc une vue très biaisée par une méconnaissance bien compréhensible de la sexualité d’une femme et d’un couple, confortée par des millénaires d’interdits sexuels ayant pour finalité la soumission de la femme, avec la peur de la tentation que toute femme peut représenter pour leurs vœux.
Or, dans la relation entre époux, l’entente sexuelle joue un grand rôle : une bonne entente sexuelle est source de joie et de bonheur, elle est une aide précieuse dans les difficultés de la vie quotidienne du couple. Une mésentente en ce domaine est source de souffrance et de division.
Pour autant, la sexualité ne doit être ni idéalisée, ni diabolisée. C’est dans ce domaine que se fait la fracture la plus grande entre l’Institution et la vie des baptisés. On a pu remarquer en novembre dernier que les points qui ont fait le plus de divergence, c’est justement pour les divorcés-remariés et les homosexuels l’exercice de la sexualité, en fait sous son aspect génital.
Pourtant, l’exercice de la sexualité est une fonction physiologique comme le manger, le boire, le dormir, que l’être humain va décliner de mille façons. Il débutera par le plaisir ressenti de façon fortuite, puis la recherche solitaire de ce plaisir par la masturbation en l’absence de partenaire, chez l’humain comme chez les mammifères. Mais la sexualité humaine a ses propres caractéristiques biologiques. Elle est indépendante des saisons, elle ne se développe réellement que douze à quinze ans après la naissance contrairement à nos cousins les primates dont la maturité sexuelle est atteinte au bout d’environ trois ans. Dans nos générations actuelles, la période féconde de la femme ne représente guère qu’un peu moins du tiers de son espérance de vie mais la ménopause n’entraîne pas chez elle l’arrêt du désir sexuel, parfois même il se renforce. La fréquence des activités sexuelles varie beaucoup d’une personne à l’autre, de nombreux facteurs interviennent, certains d’ordre physiologique, d’autres d’ordre circonstanciel. Cela posé, comme pour les autres fonctions physiologiques, il faut souligner l’influence de la culture, dont la religion est une composante, qui peut libérer ou asservir l’individu dans sa sexualité.
La sexualité humaine ouvre également à une autre dimension, celle de notre vie relationnelle dont elle constitue le fondement. En effet, elle est source d’attirance et d’intimité entre deux personnes. Elle permet de donner du plaisir et de la tendresse à celui ou celle que l’on aime. On peut appliquer à la sexualité le précepte de prendre soin de soi et de l’autre : « C’est là la Loi et les Prophètes. » (Mt 7, 12, Lc 6, 31) Elle doit s’accompagner d’une éthique, celle de respect, de justice et de bienveillance mutuels, quelle que soit l’orientation sexuelle. Des théologiens ont réfléchi sur cet aspect relationnel de la sexualité (voir par exemple Sr. Margaret A. Farley dans « Just Love : A Framework For Christian Sexual Ethics »). Enfin si une procréation est envisagée, elle doit être responsable.
La sexualité féminine, encore trop méconnue, se distingue de celle de l’homme par ce qu’elle demande pour être épanouie plus de temps, un esprit apaisé, un corps reposé. On parle bien du devoir conjugal, du repos du guerrier. Ces deux expressions classiques en disent long sur le fantasme d’un désir, permanent chez l’un et moins évident chez l’autre. Qui évoque les douleurs du ou des premiers rapports ? La culpabilité, la mémoire de relations difficiles et la peur de la douleur entraînent plus d’une fois une frigidité. Qui évoque le pourcentage normal de femmes dont l’hymen ne se rompt que lors du premier accouchement, entraînant absence de saignement lors du premier rapport et persistance longtemps de douleurs lors de ceux-ci ?
Est-il si évident d’ailleurs que la virginité au mariage soit la bonne solution ? On peut voir comment les jeunes générations ne la respectent plus. A contrario, une première relation sans amour, un viol, un acte pédophile et aujourd’hui l’approche par internet de la sexualité chez les jeunes peuvent laisser des blessures à vie.
Le désir d’activité sexuelle est lié de façon forte au plaisir que l’on en ressent et à la mémoire de ce plaisir. Car cette notion de plaisir gratuit est omniprésente dans l’activité humaine : de la grotte de Chauvet et ses peintures jusqu’aux arts multiples développés par l’Homme depuis la nuit des temps.
Vouloir réduire la sexualité d’un couple à la sexualité génitale est un non-sens. C’est réduire les gestes d’amour conjugaux à un temps très court. La sexualité d’un couple est présente à chaque instant. Elle a mille couleurs pour s’exprimer, les caresses, les gestes, les regards, la tendresse, l’attention à l’autre, le prendre soin. Quand la sexualité génitale n’existe plus ou ne peut exister, un couple n’est pas et ne devient pas frère et sœur. Et si l’enfant est le plus souvent le souhait de la majorité des couples, il n’en est pas chez l’être humain la seule finalité comme dans le monde animal.
Le corps humain est un instrument complexe et sensible qui lui permet d’entrer en lien avec l’autre et le monde. Dans le couple qui s’aime, la découverte de l’autre est progressive. Le plaisir dans un couple est une alchimie qui doit être apprise et sans cesse renouvelée non de façon égoïste mais parce que cela construit le couple. Dans le couple chacun peut apprendre peu à peu ce qui comble l’autre mais il restera toujours une part de mystère. De plus, le chemin de la vie est long, semé d’embûches et ce qui semble être évident sera à reconquérir. L’homme, la femme ne sont pas des robots, des machines réglées selon le même rythme. Ils sont deux instruments qui doivent s’accorder au fil du temps mais ils jouent la partition de la vie, de leurs vies.
Heureux celle ou celui qui croit que l’être aimé peut combler le manque qui est en elle ou en lui. Heureux celle ou celui qui laisse un espace de liberté à l’autre.
Claudine Onfray et Jean Garnier
L’une ex-embryologiste gynécologue spécialisée en stérilité, l’autre directeur de recherche honoraire, biophysicien.
La Sexualité humaine : une voix à deux. | Contribution n°14 au Synode sur la famille.
http://baptises.fr/…/contribution-n%C2%B0-14-au-synode-sur-…

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