vendredi 23 janvier 2015

Lettre ouverte au monde musulman Abdennour Bidar Philosophe, auteur de Self islam, histoire d'un islam personnel (Seuil, 2006), L'Islam sans soumission : pour un existentialisme musulman (Albin Michel, 2008), et d' Histoire de l'humanisme en Occident (Armand Colin, 2014).



Lundi 13 Octobre 2014 à 5:00


Cher monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de loin - de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd'hui. Je te regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf (soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma position de barzakh, d'isthme entre les deux mers de l'Orient et de l'Occident !
Et qu'est-ce que je vois ? Qu'est-ce que je vois mieux que d'autres, sans doute parce que justement je te regarde de loin, avec le recul de la distance ? Je te vois, toi, dans un état de misère et de souffrance qui me rend infiniment triste, mais qui rend encore plus sévère mon jugement de philosophe ! Car je te vois en train d'enfanter un monstre qui prétend se nommer Etat islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de démon : Daesh. Mais le pire est que je te vois te perdre - perdre ton temps et ton honneur - dans le refus de reconnaître que ce monstre est né de toi, de tes errances, de tes contradictions, de ton écartèlement entre passé et présent, de ton incapacité trop durable à trouver ta place dans la civilisation humaine.
Que dis-tu en effet face à ce monstre ? Tu cries : « Ce n'est pas moi ! », « Ce n'est pas l'islam ! » Tu refuses que les crimes de ce monstre soient commis en ton nom (#NotInMyName). Tu t'insurges que le monstre usurpe ton identité, et bien sûr tu as raison de le faire. Il est indispensable qu'à la face du monde tu proclames ainsi, haut et fort, que l'islam dénonce la barbarie. Mais c'est tout à fait insuffisant ! Car tu te réfugies dans le réflexe de l'autodéfense sans assumer aussi et surtout la responsabilité de l'autocritique. Tu te contentes de t'indigner alors que ce moment aurait été une occasion historique de te remettre en question ! Et tu accuses au lieu de prendre ta propre responsabilité : « Arrêtez, vous, les Occidentaux, et vous, tous les ennemis de l'islam, de nous associer à ce monstre ! Le terrorisme, ce n'est pas l'islam, le vrai islam, le bon islam qui ne veut pas dire la guerre mais la paix ! »
J'entends ce cri de révolte qui monte en toi, ô mon cher monde musulman, et je le comprends. Oui, tu as raison, comme chacune des autres grandes inspirations sacrées du monde, l'islam a créé tout au long de son histoire de la beauté, de la justice, du sens, du bien, et il a puissamment éclairé l'être humain sur le chemin du mystère de l'existence... Je me bats ici, en Occident, dans chacun de mes livres, pour que cette sagesse de l'islam et de toutes les religions ne soit pas oubliée ni méprisée ! Mais de ma position lointaine je vois aussi autre chose que tu ne sais pas voir... Et cela m'inspire une question - « la » grande question : pourquoi ce monstre t'a-t-il volé ton visage ? Pourquoi ce monstre ignoble a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? C'est qu'en réalité derrière ce monstre se cache un immense problème, que tu ne sembles pas prêt à regarder en face. Il faudra bien pourtant que tu finisses par en avoir le courage.
Ce problème est celui des racines du mal. D'où viennent les crimes de ce soi-disant « Etat islamique » ? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c'est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd'hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre - et il en surgira autant d'autres monstres pires encore que celui-ci que tu tarderas à admettre ta maladie, pour attaquer enfin cette racine du mal !
Même les intellectuels occidentaux ont de la difficulté à le voir : pour la plupart, ils ont tellement oublié ce qu'est la puissance de la religion - en bien et en mal, sur la vie et sur la mort - qu'ils me disent : « Non, le problème du monde musulman n'est pas l'islam, pas la religion, mais la politique, l'histoire, l'économie, etc. » Ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le cœur de réacteur d'une civilisation humaine ! Et que l'avenir de l'humanité passera demain non pas seulement par la résolution de la crise financière, mais de façon bien plus essentielle par la résolution de la crise spirituelle sans précédent que traverse notre humanité tout entière ! Saurons-nous tous nous rassembler, à l'échelle de la planète, pour affronter ce défi fondamental ? La nature spirituelle de l'homme a horreur du vide, et si elle ne trouve rien de nouveau pour le remplir elle le fera demain avec des religions toujours plus inadaptées au présent - et qui comme l'islam actuellement se mettront alors à produire des monstres.
Je vois en toi, ô monde musulman, des forces immenses prêtes à se lever pour contribuer à cet effort mondial de trouver une vie spirituelle pour le XXIe siècle ! Malgré la gravité de ta maladie, il y a en toi une multitude extraordinaire de femmes et d'hommes qui sont prêts à réformer l'islam, à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi au renouvellement complet du rapport que l'humanité entretenait jusque-là avec ses dieux ! C'est à tous ceux-là, musulmans et non-musulmans, qui rêvent ensemble de révolution spirituelle, que je me suis adressé dans mes ouvrages ! Pour leur donner, avec mes mots de philosophe, confiance en ce qu'entrevoit leur espérance !
Mais ces musulmanes et ces musulmans qui regardent vers l'avenir ne sont pas encore assez nombreux, ni leur parole, assez puissante. Tous ceux-là, dont je salue la lucidité et le courage, ont parfaitement vu que c'est l'état général de maladie profonde du monde musulman qui explique la naissance des monstres terroristes aux noms d'Al-Qaïda, Jabhat Al-Nosra, Aqmi ou « Etat islamique ». Ils ont bien compris que ce ne sont là que les symptômes les plus visibles sur un immense corps malade, dont les maladies chroniques sont les suivantes : impuissance à instituer des démocraties durables dans lesquelles est reconnue comme droit moral et politique la liberté de conscience vis-à-vis des dogmes de la religion ; difficultés chroniques à améliorer la condition des femmes dans le sens de l'égalité, de la responsabilité et de la liberté ; impuissance à séparer suffisamment le pouvoir politique de son contrôle par l'autorité de la religion ; incapacité à instituer un respect, une tolérance et une véritable reconnaissance du pluralisme religieux et des minorités religieuses.
Tout cela serait-il donc la faute de l'Occident ? Combien de temps précieux vas-tu perdre encore, ô cher monde musulman, avec cette accusation stupide à laquelle toi-même tu ne crois plus, et derrière laquelle tu te caches pour continuer à te mentir à toi-même ?
Depuis le XVIIIe siècle en particulier, il est temps de te l'avouer, tu as été incapable de répondre au défi de l'Occident. Soit tu t'es réfugié de façon infantile et mortifère dans le passé, avec la régression obscurantiste du wahhabisme qui continue de faire des ravages presque partout à l'intérieur de tes frontières - un wahhabisme que tu répands à partir de tes Lieux saints de l'Arabie saoudite comme un cancer qui partirait de ton cœur lui-même ! Soit tu as suivi le pire de cet Occident, en produisant comme lui des nationalismes et un modernisme qui est une caricature de modernité - je veux parler notamment de ce développement technologique sans cohérence avec leur archaïsme religieux qui fait de tes « élites » richissimes du Golfe seulement des victimes consentantes de la maladie mondiale qu'est le culte du dieu Argent.
Qu'as-tu d'admirable aujourd'hui, mon ami ? Qu'est-ce qui en toi reste digne de susciter le respect des autres peuples et civilisations de la Terre ? Où sont tes sages, et as-tu encore une sagesse à proposer au monde ? Où sont tes grands hommes ? Qui sont tes Mandela, qui sont tes Gandhi, qui sont tes Aung San Suu Kyi ? Où sont tes grands penseurs dont les livres devraient être lus dans le monde entier comme au temps où les mathématiciens et les philosophes arabes ou persans faisaient référence de l'Inde à l'Espagne ? En réalité, tu es devenu si faible derrière la certitude que tu affiches toujours au sujet de toi-même... Tu ne sais plus du tout qui tu es, ni où tu veux aller, et cela te rend aussi malheureux qu'agressif... Tu t'obstines à ne pas écouter ceux qui t'appellent à changer en te libérant enfin de la domination que tu as offerte à la religion sur la vie tout entière.
Tu as choisi de considérer que Mohammed était prophète et roi. Tu as choisi de définir l'islam comme religion politique, sociale, morale, devant régner comme un tyran aussi bien sur l'Etat que sur la vie civile, aussi bien dans la rue et dans la maison qu'à l'intérieur même de chaque conscience. Tu as choisi de croire et d'imposer que l'islam veut dire soumission alors que le Coran lui-même proclame qu'« il n'y a pas de contrainte en religion » (La ikraha fi Dîn). Tu as fait de son appel à la liberté l'empire de la contrainte ! Comment une civilisation peut-elle trahir à ce point son propre texte sacré ? Je dis qu'il est l'heure, dans la civilisation de l'islam, d'instituer cette liberté spirituelle - la plus sublime et difficile de toutes - à la place de toutes les lois inventées par des générations de théologiens !
De nombreuses voix que tu ne veux pas entendre s'élèvent aujourd'hui dans la Oumma pour dénoncer ce tabou d'une religion autoritaire et indiscutable... Au point que trop de croyants ont tellement intériorisé une culture de la soumission à la tradition et aux « maîtres de religion » (imams, muftis, chouyoukhs, etc.) qu'ils ne comprennent même pas qu'on leur parle de liberté spirituelle, ni qu'on leur parle de choix personnel vis-à-vis des « piliers » de l'islam. Tout cela constitue pour eux une « ligne rouge » si sacrée qu'ils n'osent pas donner à leur propre conscience le droit de la remettre en question ! Et il y a tant de familles où cette confusion entre spiritualité et servitude est incrustée dans les esprits dès le plus jeune âge et où l'éducation spirituelle est d'une telle pauvreté que tout ce qui concerne la religion reste quelque chose qui ne se discute pas !
Or, cela, de toute évidence, n'est pas imposé par le terrorisme de quelques troupes de fous fanatiques embarqués par l'« Etat islamique ». Non, ce problème-là est infiniment plus profond ! Mais qui veut l'entendre ? Silence là-dessus dans le monde musulman, et dans les médias occidentaux on n'écoute plus que tous ces spécialistes du terrorisme qui aggravent jour après jour la myopie générale ! Il ne faut donc pas que tu t'illusionnes, ô mon ami, en faisant croire que, quand on en aura fini avec le terrorisme islamiste, l'islam aura réglé ses problèmes ! Car tout ce que je viens d'évoquer - une religion tyrannique, dogmatique, littéraliste, formaliste, machiste, conservatrice, régressive - est trop souvent l'islam ordinaire, l'islam quotidien, qui souffre et fait souffrir trop de consciences, l'islam du passé dépassé, l'islam déformé par tous ceux qui l'instrumentalisent politiquement, l'islam qui finit encore et toujours par étouffer les Printemps arabes et la voix de toutes ses jeunesses qui demandent autre chose. Quand donc vas-tu faire enfin cette révolution qui dans les sociétés et les consciences fera rimer définitivement spiritualité et liberté ?
Bien sûr, dans ton immense territoire il y a des îlots de liberté spirituelle : des familles qui transmettent un islam de tolérance, de choix personnel, d'approfondissement spirituel ; des lieux où l'islam donne encore le meilleur de lui-même, une culture du partage, de l'honneur, de la recherche du savoir, et une spiritualité en quête de ce lieu sacré où l'être humain et la réalité ultime qu'on appelle Allâh se rencontrent. Il y a en terre d'Islam, et partout dans les communautés musulmanes du monde, des consciences fortes et libres. Mais elles restent condamnées à vivre leur liberté sans reconnaissance d'un véritable droit, à leurs risques et périls face au contrôle communautaire ou même parfois face à la police religieuse. Jamais pour l'instant le droit de dire « Je choisis mon islam », « J'ai mon propre rapport à l'islam » n'a été reconnu par l'« islam officiel » des dignitaires. Ceux-là, au contraire, s'acharnent à imposer que « la doctrine de l'islam est unique » et que « l'obéissance aux piliers de l'islam est la seule voie droite » (sirâtou-l-moustaqîm).
Ce refus du droit à la liberté vis-à-vis de la religion est l'une de ces racines du mal dont tu souffres, ô mon cher monde musulman, l'un de ces ventres obscurs où grandissent les monstres que tu fais bondir depuis quelques années au visage effrayé du monde entier. Car cette religion de fer impose à tes sociétés tout entières une violence insoutenable. Elle enferme toujours trop de tes filles et tous tes fils dans la cage d'un bien et d'un mal, d'un licite (halâl) et d'un illicite (harâm) que personne ne choisit mais que tout le monde subit. Elle emprisonne les volontés, elle conditionne les esprits, elle empêche ou entrave tout choix de vie personnel. Dans trop de tes contrées, tu associes encore la religion et la violence - contre les femmes, les « mauvais croyants », les minorités chrétiennes ou autres, les penseurs et les esprits libres, les rebelles - de sorte que cette religion et cette violence finissent par se confondre, chez les plus déséquilibrés et les plus fragiles de tes fils, dans la monstruosité du djihad !
Alors ne fais plus semblant de t'étonner, je t'en prie, que des démons tels que le soi-disant Etat islamique t'aient pris ton visage ! Les monstres et les démons ne volent que les visages qui sont déjà déformés par trop de grimaces ! Et si tu veux savoir comment ne plus enfanter de tels monstres, je vais te le dire. C'est simple et très difficile à la fois. Il faut que tu commences par réformer toute l'éducation que tu donnes à tes enfants, dans chacune de tes écoles, chacun de tes lieux de savoir et de pouvoir. Que tu les réformes pour les diriger selon des principes universels (même si tu n'es pas le seul à les transgresser ou à persister dans leur ignorance) : la liberté de conscience, la démocratie, la tolérance et le droit de cité pour toute la diversité des visions du monde et des croyances, l'égalité des sexes et l'émancipation des femmes de toute tutelle masculine, la réflexion et la culture critique du religieux dans les universités, la littérature, les médias. Tu ne peux plus reculer, tu ne peux plus faire moins que tout cela ! C'est le seul moyen pour toi de ne plus enfanter de tels monstres, et si tu ne le fais pas, tu seras bientôt dévasté par leur puissance de destruction.
Cher monde musulman... Je ne suis qu'un philosophe, et comme d'habitude certains diront que le philosophe est un hérétique. Je ne cherche pourtant qu'à faire resplendir à nouveau la lumière - c'est le nom que tu m'as donné qui me le commande, Abdennour, « Serviteur de la Lumière ». Je n'aurais pas été si sévère dans cette lettre si je ne croyais pas en toi. Comme on dit en français, « qui aime bien châtie bien ». Et, au contraire, tous ceux qui aujourd'hui ne sont pas assez sévères avec toi - qui veulent faire de toi une victime -, tous ceux-là en réalité ne te rendent pas service ! Je crois en toi, je crois en ta contribution à faire demain de notre planète un univers à la fois plus humain et plus spirituel ! Salâm, que la paix soit sur toi.


dimanche 4 janvier 2015

Il est l'éternel enfant, le Dieu qui nous manquait, la nature divine, souriante et joueuse, tellement humainement enfant, qu'il en est divin. " Fernando Pessoa. Noël

Encore un délice sur notre table. Aujourd'hui, nous fêtons l'Epiphanie, et la galette s'invite....
Petits rires, qui est le Roi, qui est la Reine ?
Les enfants se régalent
Mais pour nous  les anciens,  après tous ces excès, le corps commence à gémir.....
Cruel constat que nous souffrons "de-trop-de-tout".

Nous nous sommes réjouis à Noël, table familiale, joie des petits, joie des grands parents qui retrouvent une grande tablée . Cela change du plateau ! oui c'est un bonheur. On est entouré on  se sent aimé.

Ces réflexions m'amènent doucement à vous partager ce texte de Leonardo BOFF. C'est une traduction à partir d'une traduction allemande. Soyez indulgents, le traducteur n'est pas un professionnel. Mais le texte dit si bien les choses.......laissez vous conduire.




Noël: la fête de l'humanité de Dieu et de la communauté de la table 
De Leonardo BOFF

Noël est rempli de significations. 

Un de ses messages a été repris par la culture de consommation qui préfère un vieux Père Noël débonnaire à l'enfant Jésus, car le Père Noël est bien plus intéressant pour les affaires [le commerce]. 
L'Enfant Jésus de son côté, parle de l'enfant intérieur que nous portons toujours en nous, ayant besoin d'être assisté et qui, une fois adulte, porte en lui l'impulsion de prendre soin des autres. C'est la part de Paradis, qui ne s'est pas entièrement perdue et qui se compose d'innocence, de spontanéité, de la magie ainsi que du jeu en commun et du vivre ensemble avec l'Autre, sans discrimination aucune.

Pour les Chrétiens, c'est la célébration de "la proximité et de la compassion" de notre Dieu, comme il est dit dans la lettre de Tite (3,4). Dieu fut tellement ému par les Hommes qu'il voulut devenir l'un d'entre nous.
Fernando Pessoa l'exprima merveilleusement dans son poème sur Noël: 
"Il est l'éternel enfant ; le Dieu qui nous manquait ; la nature divine, souriante et joueuse ; tellement humainement enfant, qu'il en est divin. "


Maintenant, nous avons un « Dieu-enfant », non pas un Dieu qui, comme un juge sévère, jugerait de nos actes et de l'histoire de l'humanité. Quelle joie intérieure se répand en nous si nous considérons que nous sommes sous le jugement d'un Dieu-enfant! Plutôt que de nous condamner, le « Dieu-enfant « veut pour toujours vivre avec nous, se réjouir avec nous.

Sa naissance a provoqué un ébranlement cosmique. Un texte de la liturgie chrétienne l'exprime symboliquement: «Alors cessa le murmure[frémissement] des feuilles comme si elles semblaient mourir; le vent chuchotant s'arrêta net dans les airs; le coq chantant se tut au milieu de son cri; les eaux douces de la rivière s'arrêtèrent; les moutons en train de paître se tinrent immobiles; le berger, son bâton levé au ciel, se tint comme pétrifié; alors, à ce moment précis, tout fut calme, tout fut silencieux, tout fut figé: Jésus, le sauveur du Peuple et de l'Univers était né".

Noël est une fête de la lumière, de la fraternité universelle, de la famille qui se réunit autour d'une table. Bien plus qu'un simple banquet[une simple fête], c'est une célébration de la vie que nous partageons avec l'Autre, une célébration de la générosité des fruits de notre Mère la Terre et des arts culinaires du travail humain.

Pour un moment nous oublions l'effort quotidien, la charge de notre existence laborieuse, les tensions entre membres d'une même famille et entre amis, et nous nous réjouissons en Frères et Soeurs, qui se réunissent en communauté de la table, c'est à dire, être attablés comme autrefois, quand toute la famille, parents, filles et fils, ensemble, étaient assis autours de la table pour parler, boire et manger.

La communauté de la table est si centrale qu'elle se retrouve dès la première apparition de l'Homme en tant que tel. Il y a sept millions d'années commença un détachement progressif et graduel entre l'Homme et les primates supérieurs, tous deux d'ancètres communs.

La singularité de l'Homme, à la différence de l'Animal, consiste en ce que la nourriture collectée sera partagée entre tous, en commençant par les plus jeunes et les plus agés, et ensuite seulement entre tous les autres.

La Communauté de la table présuppose coopération et solidarité. Ce fut elle qui fut le moteur de l’évolution  de l'état de Bête à celui d'Homme. Ce qui était vrai alors l'est encore aujourd'hui. C'est pour cette raison qu'il est si douloureux de prendre conscience des millions de personnes n'ont rien à partager et doivent souffrir de la faim.

Le 11 septembre 2001 fut le théâtre de l'atrocité de ces avions s'écrasant dans les tours jumelles du World Trade Center à New York. Près de 3000 personnes périrent alors.

Le même jour meurent 16.400 enfants de moins de 5 ans. Ils meurent de faim et de malnutrition. Le jour d'après et pour le reste de l'année, 12 millions d'enfants sont victimes de la famine. Personne ne fut horrifié, ni alors, ni aujourd'hui, face à cette catastrophe humaine.

Nous ne pouvons oublier, en ce jour de Noël, en ce jour de joie et de fraternité, ceux que Jésus appelait "petits frères et sœurs" (Mt 25,40); ceux qui ne recevront ni cadeau ni rien à manger. Pourtant, malgré ce triste fait, nous fêtons et chantons, nous chantons et sommes heureux, car nous ne seront jamais seuls. Le nom de l'enfant est Jésus, l'Emmanuel, qui signifie: "Dieu avec nous". Ce petit verset se prête bien à cette occasion, car il nous fait réfléchir sur notre compréhension sur le "comment Dieu se montre à nous en ce jour de Noël":

Chaque petit garçon voudrait être un homme.
Chaque homme voudrait être roi.
Chaque roi voudrait être "dieu".
Seul Dieu voudrait être un enfant.

Un joyeux Noel de notre Seigneur 2014.

Traduction française à partir de la traduction allemande de Bettina Gold-Hartnack)

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