dimanche 20 janvier 2013

Il n'y a pas d'amour heureux.

Cher Ami Homo, cher Nathanael,



 A marche forcée, j'ai avancé sur le sentier de la loi.
A marche forcée j'ai lentement évolué, un pas en avant, un pas en arrière.
Alors, ce matin toute habitée de ton visage
Les mots d'Aragon se sont, avec  force., à moi imposés.
Ils  ont surgi de la béance de  l'écartèlement  de six mois d'étude, de controverses sur le projet de loi "Le Mariage pour Tous".


Vous êtes tous là autour de moi , Toi que j'ai croisé, Toi que j'ai aimé comme un frère, Toi que j'ai accompagné,  Toi le jeune homme que j'ai deviné sans le dire  , Toi qui t'es expatrié , toi qui est  resté silencieux et gêné.   Vous êtes tous là.


Et pourtant,
Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force 
Ni sa faiblesse ni son coeur . Et quand il croit 
ouvrir ses bras, son ombre est celle d'une croix.

Croix d'être partagée entre le désir de te donner ce  bonheur qui a été mon bonheur  et la peur de perdre dans l'indifférencié ce qui a fait ma fortune , le mariage avec un homme.
Croix douloureuse traversée de retraits , de questionnements sans réponse.
 Il n'y a pas d'amour heureux.

 Ils sont tous là autour de moi, ils s'affrontent. Ils n'ont pas d'état d'âme. Gravés au fer rouge de leurs inébranlables convictions, les boucliers se heurtent.
Pour eux c'est un combat. Pour moi c'est une croix.
Les mots pleuvent comme balles sur champs de bataille
Armée de soldats de plomb, ils défilent la fleur au fusil en chantant.

Mais, rien n'est jamais acquis à l'homme. Ni sa force Ni sa faiblesse.
 Il n'y a pas d'amour heureux.

Projet de loi qui construit, projet de loi qui détruit ?
Egoïsme de ne vouloir partager, défense de ce qu'on a tant aimé ?

Ma vie.  Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir, désoeuvrés, incertains.

Qu'il est dur au couchant d'une vie d'abandonner l'image de ce matin radieux où  mon destin a été scellé  au destin d'un homme.
Qu'il est dur d'abandonner  une chaleur, le parfum d'une tendresse évanouie, d'un amour  enveloppé d'un voile de mariée.
Qu'il est dur d'abandonner ce qui rougeoit encore sous la cendre de l'absence.

Dites ces mots "Ta vie" et retenez vos larmes.
Il n'y a pas d'amour heureux.

En croix, mais bien vivante, je ne peux vous offrir que ce que je suis.
Ma vie est un douloureux divorce....

Il n'y a pas d'amour heureux. Mais je vous aime.


Il n'y a pas d'amour heureux

vendredi 11 janvier 2013

Ces rencontres qui nous construisent,

Ces regards qui nous détruisent.








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LETTRE OUVERTE AUX FRANCAIS




Chers amis,

Puisque les souffrances se font cris, je voudrais ajouter le mien.
Non pour me faire plaindre, non parce que ma souffrance est invalidante
Non parce que je suis victime d’ostracisme
Mais surtout parce que j’ai mal à mon pays,  mal  à ma citoyenneté.

Je vais être claire. Un projet de loi qui jette dans la rue tant et tant de gens de toutes confessions, de toutes obédiences, de toutes sensibilités  n’est pas un bon projet, et je souhaite qu’il y en ait un nouveau qui tienne compte de ce mouvement.

La crise fragilise. Beaucoup ne savent pas ce que seront leurs lendemains.
Les entreprises ferment et jettent à la rue les travailleurs, les retraités dont les retraites sont modestes craignent de ne pouvoir boucler les fins de mois tant les charges augmentent à un rythme que jamais l’augmentation de leur retraite n’arrivera à rattraper. Les CDD sont le lot courant pour les jeunes, comment feront ils pour construire leur avenir dans une société où les banques ne prêtent qu’à ceux qui ne présentent aucun risque.

Ne nous trompons pas ce ne sont pas les bourgeois nantis, des catholiques homophobes  qui seront dans la rue. Ce seront des personnes « en mal-être », qui ne savent plus à quoi se raccrocher.

Ce seront des personnes qui mettent dans les valeurs clairement établies dans le Code Civil de la République leur confiance et leur adhésion.
Il y a quelque chose de  noble à demander que soient respectées les lois issues de la tradition républicaine de la France transcrites au fil du temps dans notre Code Civil.
N’oublions pas que celui-ci aura 200 ans le 21 Avril 2014 et a traversé bien des régimes, bien des révolutions et des guerres. Certes il a évolué au fil des transformations sociétales, mais jamais dans de les  proportions que le projet de loi propose.

Etienne Portalis,  un des rédacteurs du Code répondait à la question à quoi sert un Code Civil :
«  C’est un corps de lois destinées à diriger et fixer les relations de sociabilité, de famille et d’intérêts qu’ont entre eux des hommes qui appartiennent à la même cité ».

Je m’attarde sur «qui appartiennent à la même cité ».
Je m’y attarde car c’est à mes yeux ce qui motive les personnes du « Contre ».
Des milliers de gens considèrent comme un bien précieux cet héritage que le mariage traditionnel d'un homme et d'une femme  représente pour eux et s’y arriment en tant que  valeur fondement de la société à laquelle ils sont fiers d’appartenir. Ils cherchent dans les institutions des repères dans une cité en complète dislocation.
Je n’ai jamais aimé les croisades, les injonctions, les mots d’ordre, je m’y suis opposée et l’ai déclaré. Je suis une femme éprise de liberté qui suit sa conscience.
Mais je suis aussi une femme qui se voudrait fraternelle et si je comprend vraiment en profondeur le mal-être des homosexuels et cherche de tout mon cœur et de tout mon intelligence à faire qu’ils trouvent leur place en toute dignité, je peux aussi comprendre le mal-être des personnes qui se sentent partir à la dérive dans un monde qu’elles ne comprennent plus.

Dans cette crise nous devons établir l’unité du pays et non l’opposition d’un camps contre l’autre dans la société. Il en va à mes yeux de notre responsabilité de citoyens. C’est pourquoi je souhaite que le gouvernement revoie sa copie.

François Bayrou propose le terme « d’union reconnue » à la place de mariage ,  j’y souscris. Celle-ci pourrait bénéficier de la solennité  d’une union passée publiquement devant l’édile de la cité , poserait les principes de solidarité, de dignité et les droits y afférents, mais ne porterait pas ombrage à un mariage-traditionnel  que nous souhaitons garder dans ses formes et ses effets.

Jacqueline LACH-ANDREAE
Le 11 Janvier 2013